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histoire d’un préjugé.

répondis chez une amie, au moyen d’un jeu de double enveloppe, pour la mettre vivement en rapport avec une maison de broderies, qui demandait une ouvrière-artiste, douée d’imagination, et capable de composer des modèles, non de les copier. C’était exactement son affaire.

La chose marcha pour le mieux : l’entrepreneur me remercia de lui avoir découvert une si excellente recrue, et la femme du monde me dépêcha un court billet pour m’assurer de sa joie et du peu de temps qui lui restait pour écrire.

Pendant un an, je n’entendis plus parler de rien ; mais, hier, — ô catastrophe ! — je reçus le récit tragique, la chute lamentable d’une si heureuse aventure : ma pauvre cousine n’était plus une femme du monde !

Son mari, tremblant de colère, d’humiliation, de honte, lui avait fait sentir l’indignité de sa conduite, et l’épique narration se terminait par ces mots, qui semblent à peine croyables et seraient risibles, s’ils n’étaient si profondément tristes :

« Cette scène m’a brisée, mon cœur éclate, je suis la plus malheureuse des femmes ; j’ai tout perdu : mon rang, l’amour de mon mari, le respect des miens, mais je ne vous en veux pas :