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Page:Sarcey - La route du bonheur, 1909.djvu/236

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la femme.

— Alors, demanda une spirituelle bavarde, nous n’aurons plus le droit de causer ? Car, enfin, parler, c’est faire du bruit, et nous en sommes la meilleure preuve.

— N’oubliez pas, répliqua une vieille dame, que, dans la conversation, ce qu’il y a de plus important, c’est peut-être le silence.

Tout le monde se récria. On discuta, on disputa aussi, comme il arrive chaque fois que personne ne consent à écouter.

Et, cependant, quand on y songe, cousine, cette boutade cache un sens profond.

Les silences, chez la femme, sont, tour à tour, bienveillants, tendres, poétiques, narquois, ironiques, généreux ou souriants ; ils sont une arme de défense et une grâce de la coquetterie. Certains silences ont de l’éloquence et savent cacher de charmantes pudeurs… Mais il y a silence et silence, comme il y a fagots et fagots. Les uns demandent de l’esprit ; les autres s’accommodent de bêtise.

— Les sots silencieux sont des armoires vides fermées à clé, a observé je ne sais quel humoriste.

Cela est vrai.

Leurs silences, niais et lourds, découragent les épanchements, éteignent la joie, arrêtent la vie. Ces silences-là ignorent l’art exquis d’écouter et ne répandent que ténèbres.