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la femme.

d’ailes frôlées et d’âmes heureuses montent là-haut, en un chant de gratitude.

J’aime aussi l’heure plus troublante du crépuscule, alors que les derniers incendies du couchant s’éteignent et que la nuit, peu à peu, étend ses ombres…

Les « cathédrales de la terre » rougeoient de toutes les ardeurs d’un beau jour qui finit et lancent sur les eaux des feux brûlants ; puis, gravement, elles s’apaisent et reposent sous des voiles vaporeux aux teintes pâlies : rose irisé, mauve bleuté, opale laiteux, couleur de nuages, couleur de lune, couleur de rêve…, couleur de ténèbres.

Le lac, après l’apothéose féerique du soleil, réfléchit les tristesses qui tombent des espaces à cet instant où tout est mystère et mélancolie… Mais voilà que, dissipant l’émoi qui nous oppresse, les lumières des villes brusquement s’allument et que d’autres plus précieuses, une à une, mettent au ciel de lumineuses clartés… Et les beaux vers de Sully Prudhomme remontent à la mémoire :

D’innombrables liens, frêles et douloureux,
Dans l’univers entier, vont de mon âme aux choses…

Un trait d’or frémissant joint : mon cœur au soleil
Et de longs fils soyeux l’unissent aux étoiles…