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Page:Sarcey - La route du bonheur, 1909.djvu/34

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la jeune fille.

ont l’air de penser à autre chose et permettent à leurs yeux, à leur sourire, de s’égarer ailleurs, tandis que leurs doigts seuls accomplissent l’ennuyeuse formalité de politesse. Entrent-elles dans une voiture, elles l’escaladent comme on monte à l’assaut, puis, ayant repris leur souffle, elles se laissent tomber brusquement, d’un seul coup, — pouf ! — écrasant un pan de manteau laissé sur la banquette, ébranlant sur ses assises la pauvre vieille dame qui tient la place d’honneur.

Ces jeunes personnes peuvent être bien élevées dans le sens général du mot, — cela est entendu : elles n’ont pas dans l’allure cette délicatesse de nuances — nos grand’mères disaient cette « modestie » — qui révèle mieux qu’une jeune fille bien élevée. Il y a, dans le maintien d’une enfant de dix-huit ans, toujours un peu de son âme qui passe. La vivacité est un de ses charmes : ses mouvements ont donc raison d’être rapides et légers comme un souffle de printemps ; ils deviennent cependant odieux dès qu’ils ont un motif de gêne ou de déplaisir pour le prochain. La jeune fille que l’égoïsme — l’affreux égoïsme moderne — n’a pas atteinte, garde dans sa démarche, dans ses gestes, dans ses paroles, un peu de cette grâce pudique qui laisse passer la joie quand elle est