Page:Sardou - La haine.djvu/43

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
17
ACTE PREMIER.

UBERTA.

Ou mort !

GIUGURTA.

Ou mort ! Mieux vaut un brave sous terre qu’un lâche dessus ! (Il va pour remonter.)

UBERTA, épouvantée.

Sous terre, mon Andreino. (Se jetant devant lui.) Giugurta !… ne fais pas cela ! ne l’emmène pas encore ! je t’en conjure !… Pas si vite ! veux-tu ? Pas cette fois encore ! Pas cette fois !… n’est-ce pas ?

GIUGURTA, impatienté.

Allons !

UBERTA, lui barrant le chemin.

Pas encore ! je t’en supplie !… J’ai peur… Tu sais !… une mère ! ne raisonne guère !… Quelque chose me dit… je sens là… que s’il part avec toi, c’est fait de lui !… c’est fini !… Il ne reviendra plus !… Mon Andreino !… Je ne le reverrai pas !

GIUGURTA, de même, voulant toujours remonter.

Ah !

UBERTA, même jeu.

Mais pas ce soir, enfin ! Qu’est-ce que cela te fait, voyons ? Demain, tiens !… demain si tu veux ! — On se battra encore demain… j’aurai le temps de m’y faire cette nuit !… de m’y préparer… de !… (Fondant en larmes.) Oh ! je sais bien que c’est lâche, que c’est mal, ce que je dis là !… Mais c’est plus fort que moi !… pardonne-moi ! Je ne peux pas !… J’ai peur pour lui ! — J’ai trop peur ! (Elle tombe à ses pieds.)

GIUGURTA, à demi-voix, penché sur elle.

Et c’est, toi, la nourrice des Saracini ; toi, l’une des nôtres, qui vas donner à ces femmes l’exemple de la défaillance et des larmes ?…

UBERTA, se relevant.

Ah ! non ! non !… Tu as raison ! c’est vrai ! C’est indigne à moi !…