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LA HAINE.

GIUGURTA.

Plutôt mourir proscrit à mille lieues du sol natal que rentrer sur tant de cadavres !

ORSO.

C’est un point que tu décideras à loisir, quand tu seras aussi loin que tu dis !

GIUGURTA.

Et quel prix glorieux espères-tu d’une si belle besogne ?… Ces artisans t’ont fait leur capitaine ! paraît-il ?

ORSO.

Il y parait, en effet, aux pas que vous faites en arrière !… (Mouvement des Gibelins, contenu par Giugurta.)

GIUGURTA, se contenant.

Plus étranges sont tes pas en avant ! — De peigneur de laines à chef d’armée, il y a certes du chemin ! Qui nous eût prédit cela. Orso, au temps de notre enfance, alors que ma mère faisait présent à la tienne de mes vêtements usés, pour t’en faire un habit des dimanches ?

ORSO.

Je ne suis pas ingrat, Giugurta, et c’est un souvenir que tu pourras invoquer près de moi, quand le moment sera venu de remplacer les haillons de ton exil !…

GIUGURTA, pâle de colère.

Tu n’es pas où tu penses, vainqueur d’une nuit !…

ORSO, froidement.

Si nous sommes ici pour causer de nos propres affaires, et non pas de celles de Sienne, nous ferons mieux, crois-moi, de reprendre à l’instant nos épées !…

GIUGURTA, se calmant.

Tu as raison, Orso ; ajournons ces débats… et ne parlons ici que de la ville !… Tu m’as offert une trêve ? (Ils redescendent d’un pas, les chefs font un mouvement analogue.)

ORSO.

Oui.