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LA HAINE.


Scène IV.

UBERTA, CORDELIA.

(Cordelia, sortie du cimetière, parait à gauche, entre la colonne et la croix, les suivant des yeux.)

UBERTA, prête à sortir par la droite, l’apercevant.

Cordelia !…

CORDELIA.

Tais-toi, et attends que ces hommes s’éloignent ! (Le bruit s’éteint peu à peu et le jour commence à baisser légèrement.)

UBERTA, à demi-voix.

Seule ici ? — toi ?… Qu’y viens-tu faire, ma fille ?… et à cette heure ?

CORDELIA, regardant toujours au fond, pâle, et d’une voix basse et brève.

Et toi ?

UBERTA, montrant la porte de droite.

Hélas ! — Ensevelir mon fils, et avec lui toute ma vie !

CORDELIA.

Et je viens, moi… sauver de la mienne ce qu’il en reste !…

UBERTA, vivement.

Tu sais donc qui ?

CORDELIA, regardant vers le fond.

Avec l’aide de Dieu, je le saurai bientôt…

UBERTA.

Et comment ? — Parle sans crainte… nous sommes seules. — Cette voix, tu l’as encore entendue ?

CORDELIA.

Non ! — A l’issue de la messe, dérobée sous ce voile, à mes frères, à toi-même, et confondue parmi celles qui venaient ici reconnaître leurs morts, je me suis attachée aux pas de ces trois hommes, avec ce seul, ce même espoir : —