Page:Sardou - Les femmes fortes, 1861.djvu/24

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
18
LES FEMMES FORTES.

DEBORAH.

Yes, Un petit lunch ! (Elle va s’asseoir sur le guéridon.

QUENTIN, s’asseyant à gauche du guéridon.

C’est ça ! lunchons ! Un verre de queue de coq, ou de vieux Tom, ou de casse-poitrine !

Jean entre portant un plateau sur lequel il y a une bouteille de Bordeaux et deux verres ; Claire lui indique le guéridon. Jean sort.)

CLAIRE.

Plaît-il ! (Elle verse dans les verres.)

QUENTIN, assis au guéridon et appelant comme au café.

Cock tail… Gin toddly… Whisky punch !… Whisky !… Ah ! non ! non ! sapristi ! Je me crois toujours à New-York. Qu'est-ce que c’est que ça ? du Bordeaux ! C’est bien français ; mais je tâcherai de m’y refaire. (Il boit ; miss Deborah en fait autant.)

LACHAPELLE.

On ne boit donc pas de vin de Bordeaux, là-bas ?

QUENTIN.

Jamais de vin à table, monsieur, de l’eau glacée !… Pays de la sobriété et des sociétés de tempérance ! Ainsi, miss Deborah…

DEBORAH, à Claire qui verse, en lui tendant son verre vide.

Yes, encore !

LACHAPELLE.

Ah ! comme ça !…

DEBORAH.

Aoh ! Je ne buvais jamais l’eau… entre mes repas !

QUENTIN, buvant.

Oh ! que c’est bon ! Je crois que je m’y referai. Et dire que ces petites filles ne sont pas là pour embrasser leur père…

CLAIRE.

C’est votre faute, parrain, vous ne prévenez pas.

QUENTIN.

Ah ! ah ! prévenir ! Ah ! que voilà bien ces Français ! Prévenir ! Est-ce que nous prévenons, nous autres Américains ? Nous partons comme l’éclair, mon enfant, avant même de savoir où nous allons. Nous nous mettons nous-mêmes à la poste ! Vingt lieues à l’heure, en chemin de fer… Prout !… On se rencontre. Boum !… On saute et l’on tombe sur un bateau à vapeur !… Priitt !… La chaudière éclate… Boum !… On saute et l’on retombe à destination, sur ses pieds !…

Lachapelle, Quentin assis, Claire debout, Deborah assise.