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LES FEMMES FORTES.

MADAME LAHORIE, assise sur le canapé.

Sachez, jeune homme, que j’ai pris le café sous la tente avec les tribus les plus féroces, et que je ne prends pas de sucre !

GABRIELLE, embrassant Claire.

Petite maman, je ne vous ai pas embrassée aujourd’hui !

(Elle cherche à prendre la clef au trousseau de Claire.)
CLAIRE, avec défiance.

Ce retour de tendresse !… Qu’est-ce qu’il te prend donc… à toi ?…

GABRIELLE, l’embrassant.

Oh !… rien !… (Claire a versé du rhum dans un petit verre qu’elle donne à Quentin pour miss Deborah. Le trousseau échappe à Gabrielle qui redescend avec dépit. À part.) Il n’y a pas moyen… (Elle fait signe à Jenny qu’elle a échoué.)

QUENTIN.

Allons, Toupart ! si nous faisions notre partie d’échecs, nous ?

MADAME TOUPART.

Et pendant ce temps-là, miss Deborah va enseigner à vos filles les droits de la femme ! (Elle place une chaise au milieu, pour Deborah.)

QUENTIN.

Après dîner, est-ce bien amusant ?

MADAME TOUPART.

Ce n’est pas amusant, monsieur, c’est instructif… et tout le monde en profitera, même mademoiselle…

(Elle désigne Claire qui a pris sa broderie et travaille assise près de la table. On enlève le plateau ; Toupart et Quentin commencent une partie d’échecs ; Gabrielle s’assied près de Claire sur un tabouret pour tâcher de prendre la clef. À droite, sur le canapé, madame Lahorie, Jenny. Au milieu de la scène, troisième plan, miss Deborah, madame Toupart assise. Lachapelle, debout, regarde jouer.)
CLAIRE.

Oh ! pour moi, je vous remercie, madame, car sur ce que vous appelez mes droits je me déclare suffisamment instruite, et ne suis curieuse que de mes devoirs.

MADAME LAHORIE, à madame Toupart.

Vous oubliez, ma chère Pulchérie, que mademoiselle désavoue notre programme, et n’aspire à rien moins qu’à devenir une femme forte.

CLAIRE.

Pardonnez-moi, madame ; si vous entendez par la force, ce courage qui nous soutient dans nos épreuves et qui nous per-