Page:Sardou - Les femmes fortes, 1861.djvu/84

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
78
LES FEMMES FORTES.

JONATHAN, se retournant.

Eh bien !

GABRIELLE ET JENNY, effrayées, courant.

Ah !… (Elles se sauvent.)

(Madame Lahorie entre et les regarde sortir.)

Scène VIII

JONATHAN seul, puis MADAME LAHORIE.
JONATHAN.

Cinquante et huit… Je ne sais plus où j’en suis !

MADAME LAHORIE., lui frappant sur l’épaule.

Des gamines, mon cher monsieur Jonathan, de véritables gamines !

JONATHAN.

Encore ! By God !

MADAME LAHORIE.

Ce qu’il faut à un homme comme vous, c’est une femme énergique, une maîtresse femme !

JONATHAN, fermant son calepin.

(À part.) J’y renonce ! (Haut.) Ah ! vous croyez ?

MADAME LAHORIE.

Parbleu ! est-ce que vous resterez en France, vous ? vous étoufferiez dans ce potager ! Il vous faut l’Amérique, les sierras, les savanes… le désert, le désert surtout ! avec ses prairies plantureuses… et ses forêts vierges, et dedans, une femme comme les prairies…

JONATHAN.

Oui, et comme les…

MADAME LAHORIE.

Un détail ! un détail ! L’important, c’est qu’elle soit capable de faire au besoin le coup de fusil et de pousser la charrette par derrière. Ah! Jonathan, j’ai vécu de cette existence aventureuse, toute parfumée de senteurs balsamiques, j’ai chassé l’ours dans les montagnes Rocheuses, j’ai pioché l’or… J’ai été attachée au poteau de guerre des Apaches…

JONATHAN, joignant les mains.

Et ils vous ont lâchée !