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LIV. II. SATIRE I.

Confiez à Scéva les longs jours de sa mère :
Il ne brisera point sa tête octogénaire ;
Pas plus qu’un loup ne rue, et qu’un torreau ne mord.
Scéva plus doucement lui donnera la mort,
Et, le miel d’un gâteau, fait tout exprès pour elle,
Le débarassera de la vieille éternelle.
En un mot, car j’abuse ici de votre temps,
Soit que vers le tombeau je chemine à pas lents,
Soit que m’enveloppant de ses crêpes funèbres,
Bientôt la mort m’appelle au séjour des ténèbres,
Riche ou pauvre, dans Rome ou sur des bords déserts,
Quelque soit mon destin, je veux faire des vers.
— Ah ! jeune homme, craignez que de cette manie
Votre imprudente audace un jour ne soit punie ;
Craignez qu’un ennemi chez les grands en faveur,
N’éteigne en votre sang cette coupable ardeur.
— Quoi donc ? quand le premier, d’un courage héroïque,
Lucile a pu venger la morale publique ;
Lorsqu’au front des pervers par ses mains arraché,
Le masque laissa voir leur opprobre caché,
Lælius en prit-il le plus léger ombrage ?
Et vit-on le héros qui renversa Carthage,
Réclamer pour Lupus, accablé de ses vers,
Ou plaindre Métellus de quelques traits amers ?
Sa muse cependant également sévère,
Des plus nobles romains au plus obscur vulgaire,
Poursuivit sans égards tous les gens vicieux,
Et la seule vertu trouva grâce à ses yeux.
Bien plus : quand loin du bruit d’un trop vaste théâtre,
Ces grands hommes, au sein d’une amitié folâtre,