Page:Satires d'Horace et de Perse.djvu/131

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Nos ayeux ignoraient ces excès scandaleux ;
Et c’est Gallonius, cet huissier trop fameux,
Qui, donnant aux Romains un exemple coupable,
Fit servir le premier, un esturgeon à table.
― Quoi ! la mer avait-elle alors moins de turbots,
M’allez-vous demander ? non : mais au sein des flots,
Le turbot ignoré vivait libre et tranquille ;
Et rien ne l’eût troublé dans ce profond asyle,
Si, s’avisant un jour d’en connaître le goût,
Certain préteur manqué n’en eût fait un ragoût.
Que demain en effet quelqu’un vienne à prétendre
Que les plongeons rôtis sont un mets gras et tendre,
Vous verrez, tant le mal est bientôt imité,
Rome entière applaudir à cette nouveauté.
Ce n’est pas cependant, ajoutait notre sage,
Qu’on doive de son bien s’interdire l’usage ;
Et d’un excès en vain on veut se corriger,
Quand, tombant dans un autre, on ne fait qu’en changer.
Eh, qui ne dévouerait à la haine publique
Cet Avidiénus, ce ladre, ce cynique,
À la faim, à la soif, sur son or condamné,
Qui ne boit de son vin que lorsqu’il est tourné ;
Vivant sur les produits d’immenses héritages,
D’olives de cinq ans et de cormes sauvages ?
Voyez-le, quand il faut, dans un banquet joyeux,
Fêter une naissance, une noce ou ses dieux,
Goutte à goutte, en tremblant, sur sa maigre salade
Lui-même de sa cruche épandre une huile fade,
De qui l’infecte odeur, dont vous seriez blessé,
Va se perdre en des flots d’un vinaigre passé