Page:Satires d'Horace et de Perse.djvu/139

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C’est ainsi qu’Ofellus nous donnait des avis
D’autant plus imposans qu’il les avait suivis,
Et que tel il était au sein de l’indigence,
Tel je l’avais jadis connu dans l’opulence.
Vous le verriez encor ce bon cultivateur,
Simple fermier du champ dont il fut possesseur,
Au milieu des troupeaux, débris de sa richesse,
De ses enfans chéris instruire la jeunesse.
Oui, mes amis, toujours je fus ce que je suis :
Un morceau de jambon, des herbes, quelques fruits,
Même quand mes destins étaient le plus prospères,
Composaient mes repas dans les jours ordinaires ;
Et lorsque de nos champs le travail suspendu
M’amenait un voisin dès long-temps attendu,
Trop heureux de pouvoir, sous mon humble chaumière,
Partager avec lui ma table hospitalière
Sans courir acheter ni sarget, ni barbeau,
Chez moi, pour le traiter, je trouvais un chevreau,
Des figues, quelques noix et la grappe vermeille
Qui, du haut du plancher, semblait pendre à la treille.
Bacchus prétait son charme à ce simple festin ;
Nous en nommions le roi, la bouteille à la main ;
Puis, pour qu’elle rendit nos plaines plus fécondes,
Nous implorions Cérès ; et nos coupes profondes,
Epanchant à grands flots la joie avec le vin,
De nos fronts déridés écartaient le chagrin.
Que la fortune encore exerce sa furie ;
Que des troubles nouveaux agitent la patrie ;
De quoi peut nous priver le sort injurieux ?
Et qu’avons-nous souffert depuis que, dans ces lieux,