Page:Satires d'Horace et de Perse.djvu/153

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Il ne craignit rien tant, et plein de cette idée,
Dont mourant il avait l’âme encore obsédée,
Riche d’un as de moins, il eût cru moins valoir.
La clause est donc conforme à sa façon de voir.
Des mortels en effet la richesse est l’arbitre :
Il n’est point de vertu, de rang, d’honneur, de titre,
Point de droit si sacré qui ne lui soit soumis.
Elle tient lieu de tout, assure des amis,
Supplée à la valeur, suppose un nom illustre,
À l’éclat des ayeux ajoute un nouveau lustre.
Avec elle on est juste, on est sage, on est roi,
On est tout ce qu’on veut On sent alors pourquoi,
Sur la richesse seule ayant fondé sa gloire,
Il voulut que sa cendre en gardât la mémoire.
Dans un excès contraire Aristipe est tombé.
Sous l’argent qu’il portait son esclave courbé,
Dans les sables brûlans du rivage numide,
Ne l’accompagnait point d’un pas assez rapide :
Jette-le, lui dit-il, cet importun fardeau.
Lequel est, selon vous, le plus sain du cerveau ?
— Le fait ne prouve rien ; et passer d’un extrême
À l’extrême opposé, résout mal le problême.
Ignorant en musique et sans goût pour les arts,
Un Maniaque achète et fait de toutes parts
Porter dans son logis et lyres et guitares ;
Cet autre, qui jamais n’a quitté ses dieux Lares,
De voiles et de mâts encombre sa maison :
L’un et l’autre, à coup sûr, ont perdu la raison.
Mais d’un or entassé tremblant de faire usage,
L’avare sur ses sacs vous semble-t-il plus sage ?