Page:Satires d'Horace et de Perse.djvu/165

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Quand, au prix d’un forfait vous achetez l’empire,
Tant d’orgueil n’est-il pas le comble du délire ?
Que traînant en litière une jeune brebis,
Un homme lui donnât de somptueux habits,
La fît accompagner d’un nombreux domestique,
Se plût à la traiter comme une fille unique,
Et pour elle épuisant les termes les plus doux,
Destinât à sa couche un généreux époux,
Sans doute en attendant qu’on guérit sa cervelle,
Le juge ordonnerait qu’on le mit en tutèle ;
Mais si frappant sa fille au lieu d’un tendre agneau,
Lui-même dans ses flancs il plonge le couteau,
Est-il moins insensé ? Non : trahir la nature
Est d’un esprit malsain la marque la plus sûre :
Tout scélérat est fou. Quant à l’ambitieux,
Bellone et son clairon l’ont rendu furieux.
Passons à la débauche, au goût de la dépense,
Et des Nomentanus signalons la démence.
De dix mille talens cet homme est héritier :
Aussitôt le chasseur, le pêcheur, le fruitier,
La troupe du Vélabre, et ceux dont la cohue
Des Toscans à toute heure embarrasse la rue,
Dès l’aurore, à sa porte, arrivent par essaims.
L’ambassadeur approche, et, lui baisant les mains :
O vous, le plus loyal, le plus juste des hommes,
Tout ce que nous avons et tout ce que nous sommes,
Dès demain, dès l’instant, dès qu’il vous conviendra,
Sont à vous : ordonnez ; on vous obéira.
Écoutez du patron la réponse équitable.
Toi qui, pour qu’on me serve un sanglier à table,