Page:Satires d'Horace et de Perse.djvu/181

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Lucrin a des murex qu’on paye au poids de l’or ;
Les huîtres de Circé sont meilleures encor,
Baie est moins renommée, et la molle Tarente
De ses larges pectens avec orgueil se vante.
Pour Misène, on lui doit d’excellens hérissons.
Toi qui de l’art des mets veux dicter les leçons,
Je ris si des saveurs sur qui cet art se fonde,
Tu n’as fait avant tout une étude profonde.
C’est peu que d’acheter les poissons les plus chers ;
Il faut savoir comment de ces poissons divers,
Tantôt rôtis, tantôt dans une sauce exquise,
Le goût peut ranimer l’appétit qui s’épuise.
D’un vaste sanglier chargeant un long bassin,
Prétends-tu que sa chair t’offre un mets ferme et sain ?
Qu’il te soit apporté des forêts de l’Ombrie.
L’espèce entre les joncs dans Laurente nourrie,
Et qu’on voit s’y vautrer dans un immonde étang,
Ne vaut pas des forêts le sauvage habitant.
Les chevreuils engraissés du feuillage des vignes,
D’un banquet recherché ne sont pas les plus dignes.
Parmi les morceaux fins dont l’amateur fait cas,
L’épaule du levraut est des plus délicats.
Aucun autre avant moi, par son expérience,
N’a poussé des gourmands la sublime science,
Jusqu’à dire, à l’aspect d’un oiseau, d’un poisson,
Quelle est et son espèce, et son âge et son nom.
Tel se bornant lui-même en un art sans limite,
Fait d’excellens pâtés et n’a que ce mérite.
C’est manquer de talent que de n’en avoir qu’un ;
Un point ne suffit pas : c’est comme si quelqu’un,