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LIV. II. SATIRE V.

Est-il enveloppé dans la foule qui passe ?
Marche et fends devant lui le flot qui l’embarrasse.
Aime-t-il à parler ? Écoute et ne dis mot :
Veut-il être flatté ? Caresse son défaut :
Flatte-le, vante-le : qu’il n’ait ni paix, ni trêve :
Qu’il se gonfle, qu’il enfle et que le ballon crève.
Lorsque, de son trépas enfin bien assuré,
De tout soin envers lui tu seras délivré,
Et que, dans un instant où jamais on ne veille.
Ces mots pleins de douceur frapperont ton oreille :
Ulysse en ma fortune entrera pour un quart,
Que tes cris déchirans percent de toute part.
Hélas ! il n’est donc plus cet ami si fidèle !
Ce bon, ce cher Dama ! puis, redoublant de zèle :
Où rencontrer jamais un cœur si généreux ?
Ce n’est pas tout : répands quelques pleurs, si tu peux.
C’est le meilleur moyen que personne ne voie
Éclater dans tes yeux une indiscrète joie.
Est-ce à toi d’ordonner la pompe du convoi ?
Que tout s’y fasse en grand : qu’on soit content de toi,
Et d’un sincère amour donnant ce dernier gage,
À louer ton bon cœur force le voisinage.
Peut-être en ce moment ton vieux cohéritier,
Qui convoitait tout bas le patrimoine entier,
Quoique lui-même près d’aller joindre ses pères
Voudra te racheter la maison et les terres :
Quelque prix qu’il t’en donne, acquiesce à son vœu ;
Mais je suis rappelé par Proserpine. Adieu.