Page:Satires d'Horace et de Perse.djvu/249

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Obligé de crier : assez, Messieurs, assez :
— Mais à quoi bon les fruits par l’étude amassés,
À moins que plus actif, plus puissant que le lierre
Qui mine lentement et fait fendre la pierre,
Le savoir ne parvienne à paraître au-dehors ?
— Ah ! voilà donc le but où tendent vos efforts,
Vous que l’on voit vieillir et sécher sur un livre !
Voilà le doux espoir dont votre orgueil s’enivre !
Ô mœurs ! quoi ! n’est-ce rien que tout votre savoir,
À moins qu’aux yeux d’autrui vous ne l’ayez fait voir ?
— Mais enfin nous aimons, quand quelqu’un nous rencontre,
À voir que de la main en passant il nous montre,
À l’ouïr s’écrier : c’est lui : le voyez-vous ?
Et quoi de plus flatteur encore et de plus doux
Que de savoir qu’un jour nos œuvres immortelles
À cent jeunes romains serviront de modèles.
— Il est vrai ; regardez les fils de Romulus ;
Voyez-les, au milieu de festins dissolus,
La balance à la main, aussitôt qu’ils sont ivres,
Peser et comparer les auteurs et leurs livres !
Qu’un convive élégant vienne, en parlant du nez,
Leur bégayer alors quelques vers surannés,
Les amours de Chloris, ou celles de Phillide,
Ou quelqu’autre élégie encor plus insipide :
S’il sait, d’un air aimable, avec art grasseyant,
Rendre ses mots plus doux, en les estropiant,
Soudain, pour l’applaudir, cent voix se font entendre.
Poète cher aux dieux, quel honneur pour ta cendre,
Et que sur ta dépouille, au fond du monument,
La terre désormais va peser mollement !