Page:Satires d'Horace et de Perse.djvu/253

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Respectable Janus, tu crains peu qu’un plaisant
T’ose tirer la langue, et vienne, en grimaçant,
Derrière ta statue, avec un ris profane,
Faire le bec de grue ou les oreilles d’âne !
Mais vous que le destin n’a munis que d’un front,
Riches patriciens, redoutez cet affront ;
Redoutez d’un moqueur l’insolente grimace.
De mes vers, cependant, dites-le moi, de grâce,
Que pense le public ? — De vos vers ! qu’ils sont tous
D’un style si coulant, si facile, si doux,
Que le doigt le plus fin n’y sent rien qui l’arrête.
Chacun en fait l’éloge. Oui, dit-on, ce poète
Sait aligner ses vers dans un ordre si beau,
Qu’on dirait qu’il les range et les tire au cordeau ;
Et soit qu’il ait à peindre, en son style énergique,
Ou nos mœurs, ou le luxe, ou quelqu’horreur tragique,
La muse qui préside à ses nobles concerts,
Jamais ne lui dicta que de sublimes airs.
Ainsi parle un flatteur. Et fiers d’un tel hommage,
Soudain des écoliers que trompe ce langage,
Vers les hauteurs du Pinde osent prendre l’essor,
Eux qu’hier sur le grec on exerçait encor,
Eux qui ne savent rien, et qui pourraient à peine
Décrire un paysage, un fertile domaine,
La ferme, les troupeaux, les armes de Cérès,
Et les piles de foin qui fument pour Palès,
Et ces lieux, ô Rémus, où le ciel te fit naître ;
Où jadis, au milieu de ton labeur champêtre,
Noble Cincinnatus, t’apportant les faisceaux,
Le licteur retourna chargé de tes râteaux,