Page:Satires d'Horace et de Perse.djvu/255

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Tandis que de ses mains ton épouse elle-même
T’ornait, devant tes bœufs, de la pourpre suprême.
Courage toutefois, courage, grands auteurs.
Quel poëte aujourd’hui peut manquer de lecteurs ?
L’un, fuyant avec soin l’accent de la nature,
D’Accius le bacchique aime la docte enflure :
L’autre, vantant surtout ce qu’il ne comprend pas,
Du neveu d’Ennius préfère le fatras,
Et de son Antiope en ses larmes noyée
Admire la vertu de douleurs étayée.
Imbéciles vieillards, quand ce sont vos conseils
Qui livrent la jeunesse à des guides pareils,
Faut-il être étonné d’entendre des barbares
Nous prôner cet amas d’expressions bizarres
Qu’à la honte de Rome, on laisse tous les jours,
Sans respect pour la langue, infecter nos discours,
Et que maint bel esprit, d’un faux goût idolâtre,
Approuve en trépignant sur les bancs du théâtre ?
Eh quoi ! lorsque tu viens, par un effort de l’art,
À la mort qui l’attend arracher un vieillard,
Ridicule avocat, c’est dans l’espoir futile
D’entendre le public s’écrier : le beau style !
On traite hautement Pédius de voleur.
Que répond Pédius ? ingénieux rhéteur,
Au lieu de s’excuser, il fait des antithèses ;
Et chacun d’applaudir à ces doctes fadaises !
Que c’est beau ! Quoi ! romains, cela vous paraît beau !
Mais que vois-je ? un écueil a brisé ton vaisseau ;
Et, lorsque ce malheur te laisse sans ressource,
Tu chantes ! Ah plutôt, pour dénouer ma bourse,