Page:Satires d'Horace et de Perse.djvu/257

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Dans l’état déplorable où le sort t’a réduit,
Verse, verse des pleurs non préparés la nuit.
— Dans ce siècle du moins avouez qu’on s’exprime
Avec un goût, un art… — Oui, quoi de plus sublime,
Par exemple, qu’Atis le bérécynthien,
Et la côte enlevée au mont Pyrénéen,
Et le dauphin qui fend le bleuâtre Neptune ?
— Quoi donc ! aimez-vous mieux cette prose commune,
Cet arma virumque, plus dur, plus raboteux
Que le tronc desséché d’un vieux liége noueux !
— Je ne dis pas cela ; mais au moins, à la place,
Citez-nous de ces vers délicats, pleins de grâce,
Qu’il faut, en inclinant la tête mollement,
Laisser avec langueur tomber négligemment.
— En voici. De l’airain le son mimallonique
Inspire à la bacchante un transport frénétique,
Et de sombres vapeurs offusquant son cerveau,
Elle aperçoit son fils et croit voir un taureau.
Les lynx sont attelés. La ménade en furie
Court arracher la tête au quadrupède impie :
Elle appelle Evion, et les échos troublés
Répondent dans les airs à ses cris redoublés.
— Quel style ! Ô mes amis, si nous étions des hommes,
Écrirait-on ainsi dans le siècle où nous sommes ?
Et comment lisent-ils, ces auteurs impudents ?
D’un air efféminé, sans presque ouvrir les dents,
Et de leur doux Atis l’expression lascive
Semble fondre en leur bouche et tomber en salive.
Ah ! jamais d’Apollon suivant les dures lois,
L’auteur de pareils vers ne se rongea les doigts,