Page:Satires d'Horace et de Perse.djvu/29

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À ces conditions, je m’engage d’avance
À me servir pour lui de la même balance.
Vous voulez qu’un ami vous passe un tort réel ;
Passez lui donc des riens : n’est-il pas naturel,
Quand vous avez besoin vous-même d’indulgence,
D’avoir, à son égard, la même déférence ?
Mais si de la colère et de tous ces défauts,
Inévitable effet de nos jugements faux,
Sans la philosophie et ses règles divines,
On ne peut tout à fait extirper les racines ;
Pourquoi les châtiments aux délits appliqués
Par l’exacte raison ne sont-ils pas marqués ?
Que quelqu’un devant vous envoyât au supplice
L’esclave qui, chargé d’enlever un service,
Aurait fait son profit d’un reste de poisson ;
Vous le supposeriez plus fou que Labéon.
Combien n’êtes-vous pas plus fou, plus condamnable.
Votre ami vous a fait un tort très réparable ;
Un de ces légers torts qu’en un monde poli,
Pour peu qu’on sache vivre, on doit mettre en oubli ;
Et vous le haïssez ! vous fuyez sa présence,
Ainsi qu’un débiteur, au jour de l’échéance,
Fuit Druson qui l’arrête, et, s’il n’est point payé,
D’un poème assommant l’accable sans pitié !
Mon hôte, bon convive, en un jour d’allégresse,
A laissé sur son lit quelque trace d’ivresse ;
Ou, sans y réfléchir, par l’appétit pressé,
S’est emparé d’un mets auprès de moi placé :
Pour cette bagatelle, ou pour avoir peut-être
Laissé tomber un vase, ouvrage d’un grand maître,