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SATIRE V.

J’avais porté l’offrande à nos dieux domestiques ;
À peine je pouvais, dans les places publiques,
Escorté d’un essaim de jeunes complaisans,
D’un œil moins retenu mesurer les passans,
Âge aveugle où sans frein et sans expérience,
L’homme, entre deux sentiers, se consulte et balance,
Lorsqu’avec amitié reçu dans votre sein,
De vivre sous vos lois je conçus le dessein.
Bientôt par votre organe instruisant ma jeunesse,
Du maître de Platon l’indulgente sagesse
Redressa mes erreurs, mes penchans vicieux ;
Fit luire la raison à mes débiles yeux ;
Et mon cœur trop long-temps à la vertu rebelle
Prit enfin sous vos doigts une forme nouvelle.
Souvent, je m’en souviens, de mes rapides jours,
Le plaisir près de vous précipita le cours ;
Nos études s’ouvraient, cessaient à la même heure ;
Et le soir, à souper, dans la même demeure,
Un modeste banquet suspendant nos travaux,
Nous faisait du sommeil oublier le repos.
Des dieux, n’en doutons point, la puissance secrète
Attacha notre sort à la même planète ;
Et soit que Jupiter, en se levant sur nous,
Du sinistre Saturne ait vaincu le courroux :
Soit qu’à l’instant heureux qui vit notre naissance,
L’immuable destin ait tenu la balance ;
Ou que l’heure propice aux amours fortunés
Nous ait, sous les gémeaux, l’un à l’autre enchaînés,
D’un astre, quel qu’il soit, la bénigne influence
Semble avoir à vos jours soumis mon existence.