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SATIRE V.

Autant d’hommes, autant de penchans ici-bas.
Ce qui plaît à Pollux, Castor ne l’aime pas ;
L’un, aux lieux où Phœbus fait, en sortant de l’onde,
Sentir les premiers feux de sa chaleur féconde,
Ira, contre le poivre et le pâle cumin,
Échanger les produits du commerce romain ;
L’autre, gonflé de mets et noyé dans l’ivresse,
Dort et s’engraisse au sein d’une lâche mollesse ;
Celui-ci met sa gloire à vaincre au champ de Mars ;
Celui-là court du jeu les funestes hasards.
Cet autre, à plein torrent dans les plaisirs se plonge ;
Voyez-le, ce dernier, quand la goutte le ronge,
Quand tel qu’un vieux rameau qui périt dans nos bois,
La douleur lui roidit, lui dessèche les doigts,
Comme il se plaint des maux dont Vénus est suivie !
Comme il pleure sa honte et déteste la vie !
Vous, mon cher Cornutus, à l’étude appliqué,
De vos livres sans cesse on vous trouve occupé ;
Vous aimez la jeunesse, et votre voix prudente
Fait germer dans son cœur les dogmes de Cléanthe.
Jeunes gens, hommes mûrs, c’est-là, pour vos vieux jours,
Qu’il faut chercher un guide et puiser des secours.
— C’en est fait ; je me rends. Dès demain je suis sage.
— Dès demain ! pourquoi pas dès aujourd’hui ? — J’enrage.
Un jour à votre compte, est-ce un délai si long ?
— Mon dieu ! bientôt un jour en amène un second :
De délais en délais arrive la vieillesse,
Et ce demain si prompt fuit et tarde sans cesse.
De la seconde roue à celle de devant,
L’espace est bien petit ; mais en vain se suivant