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SATIRE V.

Le vain éclat de l’or n’a-t-il rien qui vous touche,
Qui vous fasse venir la salive à la bouche ?
Savez-vous à propos donner ou refuser ?
Pourriez-vous, sans daigner seulement vous baisser,
Dans la rue, en passant, voir un écu par terre ?
Parlez : si vous avez ce noble caractère,
Vous êtes libre et sage, et ce titre flatteur,
Je vous le donne, au nom des dieux et du préteur.
Mais si, mortel pervers et semblable à tant d’autres,
Vous n’avez point des mœurs plus pures que les nôtres ;
Si vous ne changez pas, et qu’on voie avec art
Votre air simple cacher l’astuce d’un renard ;
Je me dédis : allons, rentrez dans votre chaîne ;
Suivez derrière moi la laisse qui vous traîne ;
La raison vous reprend ses titres glorieux,
Et votre moindre geste est un crime à ses yeux :
Oui, remuez le doigt, et vous êtes coupable.
D’une bonne action un sot est incapable.
En vain sur les autels il fait fumer l’encens :
Rien ne lui peut donner une once de bon sens.
Un sot et le bon sens sont des choses contraires.
À quoi bon essayer des cadences légères,
Et vouloir, lourd manant, dans vos grossiers ébats,
Du danseur Bathyllus contrefaire les pas ?
— Je suis libre. — Vous libre ! eh ! mortel misérable,
Vous de maîtres sans nombre esclave déplorable !
N’est-il donc ici-bas d’autres fers en effet,
Que ceux du malheureux qu’affranchit un soufflet ?
Enfant, que tout soit prêt pour le bain de ton maître ;
Dispose les frottoirs. Quoi ! tu ne cours pas, traître !