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Page:Satires d'Horace et de Perse.djvu/311

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SATIRE V.

Quoi ! comme un matelot affrontant les orages,
On te verra coucher sur des tas de cordages,
Souper sur le tillac, et boire d’un vin plat
Qui d’une odeur de poix révolte l’odorat !
D’où peut naître en ton sein un projet si funeste ?
Es-tu las d’exercer une usure modeste ?
Veux-tu passer la borne, et forcer ton argent,
Par d’avides sueurs, à rendre cent pour cent ?
Ah ! repousse bien loin cette cruelle envie.
Ne cherchons, ne cueillons que les fleurs de la vie ;
Un seul bien est à nous, c’est le moment présent ;
Sachons, frêles mortels, le saisir en passant ;
Jouissons aujourd’hui : demain, cendre légère,
Nous ne serons qu’un songe, une ombre imaginaire.
La mort vient ; le temps fuit ; il nous entraîne tous.
Le moment où je parle est déjà loin de nous.
De ces deux hameçons par quel art vous défendre ?
Tour à tour l’un et l’autre il faudra bien les prendre.
Et ne nous dites pas, lorsqu’avec fermeté
Vous aurez à l’amorce une fois résisté :
Je suis libre ; il n’est plus d’entrave qui me gêne.
Ce dogue avec effort lutte contre sa chaîne,
Il la rompt ; mais long-temps après qu’il s’est enfui,
Il l’emporte et la traîne encor derrière lui.
— Davus, n’en doute pas, c’est un dessein bien ferme :
À mes maux cette fois je prétends mettre un terme.
Ainsi Chérestratus, de dépit frémissant,
S’exprime en se rongeant les ongles jusqu’au sang.
Quoi ! prodiguant le bien qui m’échut en partage,
J’irais de mes parens dissiper l’héritage !