Aller au contenu

Page:Satires d'Horace et de Perse.djvu/67

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Par ce peuple qu’on voit, aveugle en ses faveurs,
Aux moins dignes souvent décerner les honneurs,
Et qui, sur un vain bruit mesurant ses hommages,
S’extasie à l’aspect des titres, des images.
Oui, d’un peuple grossier tel est le jugement :
Nous, plus sages que lui, pensons-nous autrement ?
Ce n’est pas, j’en conviens, que ce peuple volage,
Si deux compétiteurs réclamaient son suffrage,
D’un Décius sans nom méconnaissant les droits,
Sur Lævinus plutôt ne fît tomber son choix,
Et qu’aux bancs du sénat assis avec audace,
Mais d’un rang trop obscur pour y tenir ma place,
Le censeur indigné contre un homme nouveau,
Ne me fit sur le champ effacer du tableau.
Je l’aurais mérité. Pourquoi, hors de ma sphère,
M’en aller des honneurs poursuivre la chimère ?
Mais tous, grands et petits, par l’orgueil entraînés,
L’ambition nous tient à son char enchaînés.
Des fragiles humains c’est le commun délire ;
Tu le sais, Tillius, et peux nous le redire,
Toi qui, vil plébéien au tribunat monté,
Reprends le laticlave, après l’avoir quitté !
Parle : que t’a valu cette pompe importune ?
Des jaloux qu’on n’a point dans une humble fortune.
En effet, dès l’instant qu’enivré du pouvoir,
Quelqu’un a pris la pourpre et le brodequin noir :
« Quel est cet homme ? Où sont ses preuves de noblesse, »
Se dit autour de lui la foule qui se presse ?
Et de même qu’un fat, malade du cerveau,
Qui se croit, comme Albus, un Adonis nouveau,