Au sein de l’amitié bravant la sombre envie,
Je mène, exempt de blâme, une innocente vie ;
Je le dois à mon père. Objet de tous ses soins,
Quoique son champ suffît à peine à ses besoins,
Il ne m’envoya point, par des motifs sordides,
Avec les nobles fils de nos Croesus stupides,
Portant sous le bras gauche et tablette et jetons,
Suivre de Flavius les vulgaires leçons.
À des desseins plus hauts il crut pouvoir prétendre ;
Et dans Rome conduit dès l’âge le plus tendre,
J’y fus remis aux soins des mêmes précepteurs
Que l’on donne aux enfans des premiers sénateurs.
À mon brillant costume, aux nombreux domestiques
Qui marchaient sur mes pas dans les places publiques,
On eût dit qu’élevé dans un rang glorieux,
Je devais cet éclat aux biens de mes aïeux.
Lui-même devant moi, dans sa sollicitude,
Ce bon père écartant les ronces de l’étude,
Me suivait sur les bancs et ne m’y quittait pas.
Que vous dirai-je enfin ? Si nul sentiment bas
Du sentier de l’honneur n’a détourné mon âme ;
Si je me suis gardé de tout penchant infâme,
Je ne dois ce bonheur qu’aux soins de son amour.
Il pouvait, sans avoir à m’en répondre un jour,
Me laisser d’un crieur, d’un greffier mercenaire,
En sa place, après lui, remplir le ministère ;
Rien ne m’aurait donné le droit d’en murmurer.
Que de motifs de plus et pour le révérer,
Et pour ne pas manquer à la reconnaissance !
Non, je ne rougirai jamais de ma naissance :
Page:Satires d'Horace et de Perse.djvu/73
Apparence
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.