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LIV. I. SATIRE VIII.

Et que mes héritiers jamais ne reprendront,
Sur trois cents pieds de large en a mille de long.
Aujourd’hui par les arts, par le luxe embellies,
On ne redoute plus les froides Esquilies ;
Et dans ce même enclos où les tristes regards
Ne voyaient que cercueils et qu’ossemens épars,
Sous des berceaux fleuris élevés par Mécène,
Dans un air libre et pur sans crainte on se promène.
Je n’y suis pas oisif ; et mes plus grands travaux
Ne sont pas d’en chasser d’avides animaux.
Deux Circés, la terreur de ces rians bocages,
Par leurs charmes puissans, par leurs secrets breuvages,
Des fragiles humains dérangeant le cerveau,
M’y donnent tous les jours quelque souci nouveau.
Rien ne peut empêcher leur visite importune ;
Rien ne peut empêcher, aussitôt que la lune
Sous la voûte céleste a montré son croissant,
Qu’on ne les voie ici, dans l’ombre se glissant,
Venir chercher, autour de ces tombes antiques,
Des ossemens humains et des herbes magiques.
J’ai vu Canidia pâle, les yeux ardens,
Nu-pieds, en robe noire et les cheveux pendans ;
Je l’ai vue, appelant sa compagne profane,
Parmi ces monumens, hurler avec Sagane.
Sous leurs ongles d’abord le sable qui s’ouvrait,
En une fosse humide à mes yeux se creusait ;
Et le sang d’un agneau, dont, sous leurs dents tranchantes
Se broyaient en criant les chairs encor tremblantes,
Soudain allait remplir la fosse d’où les dieux,
Par l’organe des morts épouvantaient ces lieux.