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Page:Satyre menippee garnier freres 1882.djvu/57

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quer, calciner et sublimer, il en avoit composé dedans ce College un electuaire souverain, qui surpasse toute pierre philosophale, et duquel les preuves estoient deduites par cinquante[1] articles, tels qu’ils s’ensuyvent :

I.— Ce que ce pauvre malheureux Empereur[2] Charles le Quint n’a peu faire avec toutes les forces unies et tous les canons de l’Europe, son brave fils Don Philippes, moyennant ceste drogue, l’a sceu faire en se jouant, avec un simple Lieutenant de douze ou quinze mil hommes.

II.— Que ce Lieutenant ayt du Catholicon en ses enseignes et cornettes, il entrera sans coup ferir dans un Royaume ennemy, et luy yra-t-on au devant avec croix et bannieres, Legats et Primats[3]. Et, bien qu’il ruyne, ravage, usurpe, massacre et saccage tout ; qu’il emporte, ravisse, brusle, et mette tout en desert, le peuple du pays dira : Ce sont de nos gens, ce sont bons Catholiques, ils le font pour la paix et pour nostre Mere Saincte Eglise[4]. — Qu’un Roy casannier[5] s’amuse à affiner ceste drogue en son Escurial, qu’il escrive un mot en Flandres au pere Ignace, cacheté de Catholicon, il luy trouvera homme, lequel (salva conscientia) assassinera son ennemy[6], qu’il n’avoit peu vaincre par armes en vingt ans.

  1. Var. « En vingt ou trente articles. »
  2. Var. « Ce grand empereur. »
  3. Pierre d’Espinac, en sa qualité d’archevêque de Lyon, avait le titre de primat des Gaules.
  4. Les éditions postérieures terminent ici l’article II, et font l’article III de la phrase qui suit, que nous avons séparée par un tiret.
  5. Le roi d’Espagne, Philippe II.
  6. Guillaume de Nassau, prince d’Orange, ayant échappé à une première tentative d’assassinat, en 1582, fut tué d’un coup de pistolet, le 10 juin 1584, par Balthasar Gérard, émissaire du roi d’Espagne.