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Page:Saurin - Œuvres choisies, Didot, 1812.djvu/45

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Je respire !

Émilie

.

Ah ! Combien, dans ce jour effroyable,

Sa pitié, sa vertu sauva de malheureux !

À quels périls, Sabine, il s'exposa pour eux !

Le soldat, enivré de sang et de furie,

Levait sur lui le fer, et menaçait sa vie.

Eh ! Que, pour secourir la triste humanité,

Il est beau de montrer cette intrépidité,

De ses fiers oppresseurs trop souvent le partage !

C'est ce qu'en Spartacus j'admire davantage.

De tous les temps il fut d'illustres conquérants,

Qui de sang altérés; moins guerriers que brigands,

Pour le malheur du monde ont recherché la gloire,

Parmi tant de héros trop vantés dans l'histoire,

À peine en est-il un qui soit, par sa bonté,

Digne d'être transmis à la postérité ;

Ivres de la victoire, injustes, sanguinaires,

Ils ont tous oublié que les hommes sont frères.

Sabine

De Spartacus, Madame, admirez les vertus :

Vous lui devez beaucoup ; mais vous vous devez plus.

C'est trop que de l'aimer, et, si je l'ose dire...

Émilie
l'interrompant.

Sabine, on est bien près d'aimer ce qu'on admire.

Un grand homme eut toujours des droits sur notre cœur,

Soit qu'à notre faiblesse il offre un protecteur,

Ou soit que la conquête illustre la victoire,

Et qu'aimer un héros ce soit aimer la gloire.

Sabine

Ah ! Songez qu'Émilie est fille de Crassus.

Émilie

.

Je l'ignorais encor quand je vis Spartacus :

Mais au sang dont je sors le sien ne fait pas honte ;