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126 RELATION DES PHONKMES rtj ET Oj.

pas prétendre à la priorité. Le litige n'est plus qu'entre les deux formes caractérisées par les deux variétés de l'a, a^ et «2- Ce qui nous semble décider sans conteste en faveur de a^, c'est la fréquence de ce phonème, et cela dans les paradigmes les plus importants. Par exemple dans toute la flexion verbale, ag ne fait son apparition qu'à deux ou trois personnes du parfait. Quelle raison avons-nous de croire que des gisements entiers de a^, tels que nous les aper- cevons dans les différents présents, n'aient pu naître que par l'alté- ration du phonème 02? Au contraire, dans un cas du moins, nous prenons sur le fait le développement de a^: c'est lors(iu'il sort de Ya^ thématique devant les consonnes sonores des .désinences verbales (p. 83). Si ailleurs sa genèse se dérobe encore à notre regard, on entrevoit cependant la possibilité d'une explication; le phonème n'apparaît en effet qu'à certaines places très déterminées.

Un phénomène digne de remarque, mais qui, dans cette question, peut s'interpréter de deux façons opposées, c'est l'apparition de a^, à l'exclusion de ag, dans les cas où le rejet de l'a est prescrit, mais en même temps empêché par une cause extérieure (p. 46). Ainsi, au temps où le pluriel de bébopKa faisait 6€brK(a)^ev, le pluriel de TéTOKtt, avons-nous conclu p. 682, faisait TeTeK(a)|Liev. M. Brug- mann montre comment le thème pad, accusatif pa^dm (rrôba), empêché qu'il est de faire au génitif: pdds, s'arrête à la forme pa^dds (pedis). Voilà, pourrait-on dire, qui prouve que a^ est une dégradation de ag. Mais celui qui part d'un thème pa^d aura une réponse tout aussi plausible: pa2d est une modification extraordinaire qu'il n'y a aucune raison d'attendre dans les formes exposées aux affaiblisse- ments; si l'affaiblissement est paralysé, c'est forcément le thème pur pa^d qui apparaît.

Seconde question. Sans vouloir se prononcer sur la priorité de l'un ou de l'autre phonème, M. Brugmann tient que a^, par rapport à a^, est un renforcement; que a^, par rapport à a^, est un affai- blissement {Stud. SI 1,Z84). Nous-méme, à la page 7, appelions a^ une voyelle renforcée. Ces désignations prennent un corps si on admet que l'échange de a^ et a^ est en rapport avec les déplace- ments du ton; c'est là l'opinion de M. Brugmann. Si on pense, et c'est notre cas, que l'échange des deux phonèmes est indépendant de l'accent, il vaut mieux s'abstenir d'attribuer à l'un d'eux une supériorité qui ne se justifie guère.

Si ag est une transformation mécanique de a^, cette trans- formation en tous cas était consommée à la fin de la période pro-

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