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136 CONTRACTIONS DE LA COMBINAISON ea.

des facteurs dont nous ne savons rien, telle nuance d'accent dont la plus imperceptible suffisait pour modifier le phénomène^, ont pu être en jeu dans cette contraction?

Il découle de l'hypothèse que l'uu de puj)Li6ç et l'uj de duj|aôç sont identiques.

Quant à l'époque de la contraction, c'est une question que nous avons déjà rencontrée à propos du nom. pi. vulfos et autres cas de ce genre p. 86. Toutes les fois qu'on observe une variation entre l'ê et Va comme pour le si. spé- en regard du germ. spô-, ce sera pour nous l'indice que la contraction est relativerhent récente^. Mais l'histoire du phénomène se décompose très probablement en une série d'époques successives dont la perspective nous échappe. Rien n'empêcherait d'admettre par exemple que la rac. icê «souffler» ou le mot hhràter «frère» aient opéré la contraction avant la fin de la période proethnique.

Pour ce qui concerne l'e des formes grecques comme de-TÔç, il sera plus facile de nous faire une opinion à son sujet, lorsque nous en viendrons à l'I indien comme représentant d'un a bref. Il suffit pour ce qui suit de remarquer que cet ï est la voyelle qu'il

��1. La prononciation des diphtongues lituaniennes ai et an diffère du tout au tout, d'après la description qu'en fait Schieicher, selon que le premier élé- ment est accentué ou non. Et cependant ai et ai, au et au, sont entièrement identiques par l'étymologie.

  • 2. L'échange assez fréquent de l'a et de l'ê dans la même langue s'ex-

plique si l'on admet que les deux produits divergents de la contraction ea con- tinuèrent de vivre l'un à côté de l'autre. Ainsi le v. ht-all. tà-t à côté de tuo-m, le grec Ki-xri-|Lii et Ki-xâ-vuj, iTfî-|Lia et trâ-d (p. 143), ^r|-Tu;p et eipdl-va; le lat. më-t-ior et mâ-teries. — Un phénomène plus inattendu est celui de la variation ë-â dans le même mot entre dialectes très voisins. 11 va sans dire que ce fait-là ne saurait avoir de rapport direct avec l'existence du groupe ori- ginaire ea. Ainsi les mots r\^a, r\\x\-, f^auxoç, t^iuepoç, prennent â dans certains dialectes éoliques et doriques, t] dans d'autres. V. Schrader, S^wrf. X 313 seq. La racine pâ donne en plein dialecte d'Héraclée Pou-pfiTiç. En Italie on a l'incom- préhensihle divergence de l'optatif ombr. porta-ia avec s-ië-m (= gr. eïriv). Le paléoslave a rèpa en regard du lit. ropé lequel concorde avec le lat. râpa etc. M. Fick compare à ce cas celui du si. rêka «fleuve» opposé au lit. roké tpluie fine» (II' 640). Ici l'hypothèse d'une métaphonie produite par Vi suffixal qui se trouve dans l'e lituanien aurait un certain degré de vraisemblance. — Enfin un troisième genre de phénomènes, c'est la coloration germanique et élé- enne de l'ê en â qui est un souvenir de l'ancien groupe ea, en ce sens qu'elle indique que l'ê européen était en réalité un a fort peu différent de l'a. En la- tin même on a vu dans Vae de saeclum, Saeturnus (cf. Sàturnus) l'essai ortho- graphique d'exprimer un ë très ouvert.

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