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liquides sonantes du présent.

parfait (v. Bréal, Tables Eugubines, p. 361), cette forme serait précieuse. Seulement il ne faut pas perdre de vue que sur sol italique vort- représente aussi bien vart- que vr̥t-, en sorte que toutes ces formes ont peut-être pour point de départ le singulier du parfait, non pas le pluriel ; elles n’en restent pas moins remarquables. Autre exemple : persnimu, pepurkurent.

Présent. Dans la 2e et la 3e classe verbale, au présent et à l’imparfait, la racine ne conserve sa forme normale qu’aux trois personnes du singulier de l’actif ; le duel, le pluriel et tout le moyen demandent l’expulsion de l’a : ainsi, en sanskrit, pour ne citer que des racines de la forme A :

e fait i-más kar fait kr̥-thás (véd.)
ho ǵu-hu-más par pi-pr̥-más

En grec πίμ-πλα-μεν correspond exactement à pi-pr̥-más; cette forme, en effet, n’appartient point à une racine πλᾱ qui serait la métathèse de πελ, autrement les Doriens diraient πίμπλᾱμι. L’η panhellène indique au contraire que πίμπλημι est une transformation récente de *πίμπελμι = skr. píparmi[1].

La racine φερ prend la forme πι-φρα- (dans πιφράναι) qui est égale au skr. bi-bhr̥- (bibhr̥más). Les traces nombreuses de l’ε, par exemple dans φρές (Curtius, Stud. VIII 328 seq.), nous garantissent que la racine était bien φερ, non φρᾱ.

Les autres formations du présent n’offrant dans les langues d’Europe que des traces incertaines de , il n’y aurait pas grand avantage à les passer en revue. Rappelons seulement le latin po(r)sco identique à l’indien pr̥ććhā́mi. Si la racine est bien prak, le est né ici de la même manière que dans ἔτραπον de τρέπω. Pour comparer ces deux présents, il faut partir de l’idée que posco est bien le descendant direct de la forme indo-européenne, exempt de toute contamination venant des autres formes verbales, et une telle supposition aura toujours quelque chose de périlleux, étant donnée l’habitude des dialectes italiques de passer le niveau sur le vocalisme de la racine et de propager une seule et même forme à travers toute la flexion. Mais, dans le cas de

  1. Il existe, il est vrai, des formes comme πλᾶθος (v. Joh. Schmidt, Vocal. II 321), mais celles qui se trouvent chez les tragiques attiques sont, suivant Ahrens, des dorismes de mauvais aloi, et celles des inscriptions peuvent provenir, comme les formes éléennes bien connues, d’un passage secondaire d’ä à a. On pourrait du reste admettre que πλᾱ existait parallèlement à πελ. Cf. récemment Schrader, Studien X 324.