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KPHNH.
(Mémoires de la Société de Linguistique, VI, p. 119. — 1881.)


Κρήνη, dor. κράνᾱ, éol. Kράννᾱ, sort de *κρᾰσνᾱ comme σελήνη, σελάννα de *σελασν, comme ἠμεῖς, ἁμές, ἄμμες de *ἁσμε-.

Le mot a toujours passé pour un dérivé de κάρη, κρας- «la tête», étymologie à laquelle il n’y aurait rien à objecter si κρήνη désignait proprement l’endroit où commence le cours d’un fleuve, caput aqvae. Or, en réalité, c’est justement dans ce sens qu’une source, pour les Grecs, ne s’appelle pas κρήνη, mais πηγή. Kρήνη signifie «source» en tant que «fontaine» sans aucune idée d’origine ou de point de départ. Ἔρχεσθε κρήνηνδε «allez à la fontaine» (υ, 154), mais πηγῇς ἔπι Κηφισοῖο (B, 523), πηγὴ κακῶν (Eschyle).

Je compare, en raison de l’identité de forme et de l’analogie suffisante du sens, le vieux norrois krönn «flot, vague, eau agitée», lequel représente un gotique *hrazna (fém.) = *κρᾰσνᾱ. Le mot existe aussi en anglo-saxon, sous la forme hærn, par la même métathèse que dans ærn «maison» = got. razn.