Page:Sauvage - Tandis que la terre tourne, 1910.djvu/23

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
23
pleine lune ou croissant

Que le doux rossignol, débordant d’harmonie,
Te saluait d’un cri limpide de cristal
Et que, dans le recueillement de la prairie
Les grenouilles grinçaient leur appel nuptial.
Tu venais quand les bœufs retournent au village
Marchant à la lenteur sereine de ton pas ;
Des vols de papillons traversaient ton image
Et tu faisais l’instant secret, sensible et las,
Ta plénitude d’or propageait du suave,
Les feuillages vernis par ton flux ruisselant
Miroitaient comme après une averse qui lave
Et met sur la verdure un lustre neuf et blanc.
Parfois tu t’élevais sur l’eau comme une bulle,
Mouillant le flot obscur d’une onde de clartés,
Autour de toi naissait un essaim de globules
Que la brise poussait des roseaux écartés.
Parfois, le front griffé par des fleurs d’aubépines,
Tu tombais aux taillis qui clôturent un pré,
Ou bien, te dilatant sur des roches en ruines,
Tu jetais dans le noir un regard effaré.
Ces soirs-là, tu peuplais les recoins d’épouvantes,
Tes rayons promenaient leurs fantômes falots,