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LA TOUR DE LA LANTERNE.

geaient pas ; et son intelligence, déjà si précoce, s’ouvrait merveilleusement. Mais ce qui la charma au-dessus de tout, ce furent les longues promenades au bord de la mer : et les bains qu’elle prit avec tante Minette, qui avait résolu de lui apprendre à nager.

Comme Lietts n’était pas craintive, elle arriva promptement à savoir se soutenir sur l’eau. Sa tante obtenait beaucoup d’elle, en excitant son amour-propre.

Aussi Liette ne voulait pas être comme la grosse Mme Maublan, qui semblait faire monter l’eau à l’étiage, lorsqu’elle entrait dans le bassin, au Mail ; et afin de faire croire qu’elle savait nager, exécutait des mouvements de bras, pour, en somme, rester toujours à la même place, comme une leur de bouée. Ni ressembler à ce petit poltron de Paul de Lutton, un grand garçon de six ans, que sa mère devait prendre à son cou parce qu’il criait comme un brûlé, dès qu’elle lui mettait seulement les talons dans l’eau.

Oh ! non, il valait infiniment mieux suivre à la nage le canot du père Baptiste, le maître nageur, faire la planche comme lui ou bien sauter élégamment du petit pont dans la mer en un plongeon superbe, qui faisait jaillir l’eau en bouclettes et formait des ondes énormes. Mlle de la Combière excellait dans cet exercice, autrement intéressant que les parades ridicules de Mme Maublan.

Puis cette dame Maublan était vraiment bien laide, lorsqu’elle sortait de l’eau après son bain d’une grande heure, la figure mouchetée de plaques jaunes, vertes et violettes, les cheveux figés par mèches sur le front, claquant des dents, décomposée.

Dans la crainte d’inspirer une semblable impression, Liette demanda, un jour, sérieusement à sa tante si elle était aussi horrible lorsqu’elle revenait, comme un chien mouillé, se faire sêcher et habiller par sa bonne.

« Certainement non, lui avait répondu en riant Mme Minhet, tu ne ressembles en rien à cette dame, tes petites joues sont toujours roses et fraîches. »

La fin de septembre arriva trop tôt.

Mme Minhet repartit et laissa Liette si désolée qu’il fut con-