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LA TOUR DE LA LANTERNE.

Aussi, vers le soir du quatrième jour de ce triste voyage, le William Godder se dirigea vers les feux de Port-Erin (île de Man) ; bientôt le navire stoppa, le capitaine roula l’enfant dans son propre manteau et la remit endormie dans les bras de John Moore, jeune matelot d’une vingtaine d’années, avec l’ordre d’aller la porter aux autorités de l’endroit, afin de la rapatrier au plus vite.

Quelques minutes plus tard, le jeune homme, chargé de son fardeau, monta dans l’embarcation qui le déposa peu après devant le port.

Mais au lieu d’y entrer, il s’en éloigna, regardant souvent derrière lui pour se convaincre que du navire au mouillage il ne pouvait être aperçu.

Quelle trame nouvelle ourdissait-il contre la pauvre mignonne ?

Il marcha ainsi quelque temps dans la solitude et les ténèbres de la nuit ; puis gravit un chemin caillouteux qui longeait une colline, peuplée de maisonnettes à côté d’une immense usine, et vint frapper aux volets fermés d’une modeste habitation isolée.

Une toute jeune fille lui ouvrit aussitôt.. « Ah ! c’est vous, John ! dit-elle avec surprise. Pourquoi ce prompt retour ?

— Je ne reviens pas, répondit le jeune marin. C’est en passant que vous me voyez. Il entra promptement et referma la porte.

— Notre mère est ici ? demanda-t-il.

— Oui, mais elle dort ; elle est toujours malade.

— Ne la réveillez pas, Edith, ce serait inutile. Ce que je vais vous dire ne doit être connu de personne. Je vous apporte un otage : cette petite fille tombée du ciel dans notre bateau. Il faut la bien soigner, car elle est fort malade. À mon retour, je vous dirai d’où elle vient. Cette enfant sera sans doute la source de notre fortune future. Ne manquez pas de dire toutes ces choses à notre mère, et de bien lui recommander de garder précieusement ses vêtements. En attendant, elle vous remplacera la petite sœur Annie. Je suis obligé de fuir au plus vite, je ne puis m’arrêter. Notre navire est devant l’île ; le capitaine ignore ma présence ici. Adieu,