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LA TOUR DE LA LANTERNE.

— Mais moi, je ne l’ai pas voulu, parce que je connaissais les pensées d’Edith et son intention de monter au village au bras d’Harris.

Quel mal voyez-vous à cela ? demanda en riant Dillon. Il ajouta : Il y a quelque vingt ans n’avez-vous pas fait la même chose ? et je suis sûr, Mrs Moore, que vos parents n’ont pas mis tant de façons pour faire droit à votre demande.

— J’étais la quatrième fille de la maison et je n’avais pas de mère à consoler, dit aigrement la veuve.

— Allons, Mrs Moore, il faut voir les choses par leur bon côté ! Voici un an qu’Harris attend Edith. Il ne faut pas tenir toujours close la maison du bonheur. Comment le chaud soleil y pénétrerait-il ? Et sérieux cette fois, Dillon ajouta : Je donne à Harris tous mes droits sur notre part de fermage d’Irlande, et je lui abandonne la moitié de la rente de sa mère. Car vous le savez, Mrs Moore, je compte plus tard, avec ie reste, aller vivre à Sligo dans la petite maison que nous y possédons au bord de la mer. Cela suffira au vieux Dillon, si les enfants sont heureux. À chacun son tour ici-bas ! n’est-ce pas la loi du monde ?

— On s’arrange facilement avec la vie, quand on a dans sa poche la clé de son garde-manger, répondit aigrement la veuve ; soyez sans crainte ; j’ai donné ma parole à votre fils, et je n’y reviendrai plus.

— Et à quand la noce ? demanda le vieux Dillon.

— Pas avant un mois, dit vivement Harris, lorsque Mr Mac Dermott sera de retour de son grand voyage d’Amérique. Je tiens à ce que mon bienfaiteur soit présent à mon mariage.

La conversation s’anima peu à peu et continua sur cet intéressant sujet pendant le repas et la soirée.

Personne ne parla plus de Liette ; personne n’eut l’air de s’en préoccuper. Les Dillon partis, Edith, sans la moindre inquiétude, ferma les portes et les volets de la maison.

Mrs Moore et sa fille étaient couchées, lorsque Liette, rompue de fatigue, entra dans le triste logis, si étranger à son âme et à son cœur.