Page:Savary - La Tour de la lanterne (= Les Malheurs de Liette) 2e édition - 1913.pdf/209

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


XIII

UNE VIEILLE CONNAISSANCE



Huit heures venaient de sonner à l’église Saint-Charles de Rochefort, lorsque Liette et Élisa, la servante de maîtresse Châlin, descendirent de la carriole qui venait de les amener au marché de cette ville.

De chaque côté de la longue rue de l’Arsenal où se tient le marché, les cabanières, les métayères, avec leurs mannequins remplis de fruits où de légumes, leurs paniers pleins du beurre renommé qui sent la noisette, d’œufs frais ou de petits pots contenant les fraises des bois, rouges et parfumées encore malgré la saison avancée, se hâtent de terminer leur éventaire : quelques larges planches posées sur des tréteaux.

Les paysans, qui avaient apporté ces provisions en quantités si considérables, détalaient dans les rues avoisinantes vers les auberges, nombreuses surtout aux portes de la ville, pour laisser reposer jusqu’au soir la monture qui les ramènera vers leurs cabanes ou leurs métairies.

Tandis que les voitures disparaissaient au loin, les larges trottoirs se remplissaient des rares officiers restés au port, des jeunes étudiants de l’école de médecine ou des flaneurs, que venaient chaque matin, comme à un rendez-vous, s’entretenir des graves nouvelles de la guerre, et voir les jeunes et jolies bourgeoises, qui, sous prétexte des provisions à faire, ne manquaient