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LA TOUR DE LA LANTERNE.

Rouiliard se retourna. Qui est-ce donc qui l’a appelé ?

« Rouillard ! bon Rouillard, reprit Liette essoufflée, regardez-moi bien », ajouta-l-elle en s’arrètant devant lui.

Rouillard, un peu ahuri d’être ainsi interpellé par une inconnue, s’arrêta également.

• Regardez-moi, regardez-moi bien, insistait Liette, peut-être finirez-vous par me remettre. »

De nouveau, Rouillard la regarda avec attention, tout en faisant une moue significative ; il ne comprenait rien à ce qu’on lui demandait. « Vous ne me reconnaissez pas, dit Liette, je le vois, et cela n’a rien d’étonnant. Il y a si longtemps que nous nous sommes vus ! Mais je vais vous aider à rafraîchir votre mémoire, en vous disant qui je suis. »

Elle reprit un peu bas avec mystère :

« Je suis la petite Liette Verlet que vous avez conduite autrefois avec sa grand’mère, Mme Baude, à la Voirette où je suis restée quelques mois pendant mon enfance. Vous le rappelez-vous maintenant, bon Rouillard ?

— Ah ! si je me le rappelle ! dit le brave bomme, certainement. Cependant, vous ne ressemblez guère à la petite demoiselle de ce temps-là. Il est vrai que vous avez eu le temps de changer. Pourtant, reprit-il avec saisissement et en se signant, m’est avis que vous revenez de loin, bonne demoiselle ; comment avez-vous débarqué ici ? Tout le monde, à la Voirette et ailleurs, vous croit nigée au fond de l’eau du bassin de La Rochelle. Comment vous trouvez-vous en chair et en os, là, devant moué, à tieu marché de Rochefort, aujourd’hui précisément le 2 novembre, le jour de la fête des morts ? Ça serait-il pas d’hasard une mauvaise plaisanterie du diable ? J’aurais quasiment peur, si j’étions le souer tous les deux seuls dans les ténèbres », ajouta-t-il, en regardant autour de lui pour se donner de l’aplomb.

Cette naïveté de Rouillard fit sourire Liette.

« N’ayez pas peur, Rouillard, lui dit-elle, si mon retour dans ma famille tient, en effet, du prodige, le diable n’y est pour rien. Je