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LA TOUR DE LA LANTERNE.

dîner. L’un d’eux se leva et vint au-devant des visiteurs. Liette reconnut Rouillard. Avec mystère le vieux domestique referma la porte derrière lui, et entraîna la jeune fille dans un pré voisin ; tout en marchant, il lui avoua avoir échoué dans ses bons offices.

« J’ai eu du flair, savez-vous, de ne pas vous avoir amenée ici ; et j’ai reçu défense expresse de vous introduire. M. Baude-Isart ne vous est pas favorable ; il soutient que votre retour est machiné en vue du testament. Il prétend que c’est une « histouère », quasiment un conte que j’ai eu tort d’écouter, et not’vieux monsieur, très ennuyé de toutes ces « manigances », préfère ne pas vous voir… Mais faut pas vous désespérer ; si vous n’êtes pas une menteuse, tout pourra s’arranger, quand Mme Baude et M. Verlet seront ici. C’est l’espace d’une quinzaine de jours à attendre. En tout cas, s’ils vous savaient en cette compagnie, ça n’arrangerait point vos affaires… Vous n’avez guère eu une riche idée de revenir, accompagnée de ce vieux misérable ; et en disant cela, Rouillard indiquait le père Malaquin, qui marchait péniblement à quelques pas d’eux.

— J’ai pensé, répondit Liette, réhabiliter le pauvre rémouleur, accusé à tort de ma disparition. Rien de ce que j’espère ou désire n’arrive. Oh ! que je suis malheureuse ! »

Et l’infortunée jeune fille éclata en sanglots. Rouillard, qui l’entendait pleurer, ne trouvait pas de mots pour la consoler. Il la regardait avec pitié, sans avoir le courage de lui dire de partir.

Ce fut Liette qui en parla.

« Avant que je ne disparaisse, lui dit-elle, expliquez-moi ce que signifie ce testament auquel vous venez de faire allusion.

— Vous n’en savez rien ? lui demanda-t-il, incrédule. Eh mais ! c’est le testament de M. Leypeumal, pardienne !

— Je ne comprends pas, répondit la jeune fille ; non, je ne saisis pas ce que vous voulez dire.

— Ils vous l’expliqueront tout au long plus tard, s’ils le veulent ; mais sachez, dès ce souer, que par ce testament Mlle Liette, la disparue, hérite de presque toute la fortune de son parrain. »

À ces mots Liette s’arrêta subitement :