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SUPRÊME ANGOISSE.

Liette d’une façon toute particulière : et pour son petit ceur aux pensées généreuses, et aussi pour son esprit et son intelligence, si vive et si préçoce.

Il s’était refusé à croire à la noyade de l’enfant. Il opinait, pour une disparition, un enlèvement peut-être, et prétendait que l’enfant une fois libre, reparaîtrait d’elle-même. Il était près de la vérité, il la touchait presque, lorsque malheureusement pour Liette il mourut inopinément peu d’heures avant son retour.

Ce fut une triste fatalité pour la pauvre jeune fille, car lui vivant, elle serait entrée d’emblée dans sa famille. L’histoire de la canne miraculeuse aurait appuyé tout naturellement cette affirmation.

Très fidèle à ses affections, comme très tenace en ses opinions, M. Leypeumal avait stipulé sur son testament, ouvert aussitôt après sa mort, qu’une grande partie de sa magnifique fortune reviendrait à la petite disparue, si elle se présentait, pour la recueillir, dans les cinq années qui suivraient son décès. Dans le cas contraire, cette part serait dévolue sans conditions aux enfants Verlet et à diverses œuvres de bienfaisance.

On comprend donc facilement que le jour de l’enterrement, c’est-à-dire deux jours après l’ouverture du testament, la famille fut surprise et justement inquiète de voir surgir une jeune étrangère méconnaissable, se donnant pour l’enfant disparue. Et comme il est plus aisé de nier sans examen que de croire même avec preuves, on prit le parti odieux de ne pas s’occuper des démarches de la ressuscitée.

Aussi, lorsque Rouillard communiqua à M. Baude l’histoire de Liette et raconta la tentative de reconnaissance qu’avait faite l’inconnue, jetée brutalement sur le pavé par M. Delfossy, Baude Isart qui ne voulait pas admettre autre chose qu’une comédie, parvint à convaincre grand-papa que le plus sage était de ne pas accorder le plus léger crédit à ce prétendu retour, et, si la jeune fille persistait, d’en aviser la justice.

Et pendant ces impitoyables délais, que devenait Liette ?

Le lendemain et les huit jours qui suivirent son entrée aux Bret-