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XVI

UN MESSAGER DE L’ILE DE MAN



Pouvoir charmant de la jeunesse et de la beauté ! Liette se sentit sauvée.

Franchir la porte des Gerbies au bras de cet officier supérieur, armé de pied en cap et dont le sabre bat les talons en faisant entendre un cliquetis passablement impressionnant en temps de guerre, fut pour elle une joie sans égale ; car personne, pas même le cerbère Rouillard, n’osa s’opposer à son entrée dans la grande salle où la famille était réunie.

L’oncle Rigobert, en entrant, clama d’une voix de stentor :

« Ce n’est point une comédie qui se joue à cette heure ! Quelle poignante et triste histoire que celle de cette enfant que je viens de ramasser sur la route, abandonnée, rejetée par vous tous ! Je me demande pourquoi, en la voyant et en l’écoutant, vous ne vous sentiriez pas, comme moi, pris d’une pitié et d’une admiration profondes pour son courage persévérant et la ténacité de son cœur affectueux. »

Et devant l’étonnement de tous, il continua : « Nier sans examen est facile. Cela met à l’abri des preuves gênantes (car il y en a), et vous les auriez vues aussi si vous l’aviez seulement regardée. Où donc une fausse Liette aurait-elle pris cette ressemblance frappante avec sa grand’mère, ses yeux et son regard ? »