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UN MESSAGER DE MAN.

Mais chacun se tait. Rouillard vient d’ouvrir la porte de la salle et d’introduire un jeune étranger dont l’œil bleu clair et intelligent parcourt froidement la réunion. Il doit comprendre ce qui agite cette famille, car son front se creuse de deux plis sévères.

À la vue de l’étranger, Liette jette un cri et court se jeter sur la mâle poitrine de celui qui, debout sur le seuil, hésite à le franchir.

« Harris ! Harris, vous ici !

— Oui, nia chère Liette, répond le jeune homme. Harris lui-même qui vient vous chercher pour vous enlever à vos rêves douloureux. Le bonheur que vous vous épuisez à vainement poursuivre, je viens vous l’apporter. N’est-il pas là où est notre cœur ? Ne le cherchez pas ailleurs. Vous êtes bien seule dans la vie, dit-il, en regardant autour de lui ; retournons vers les brumes anglaises où Lottie ne cesse de vous appeler.

« Après avoir lu votre lettre désolée, j’ai réuni les papiers et les preuves irréfutables de votre identité ; j’ai repris à Lottie le collier et la médaille que vous portiez lors de votre disparition ; ils serviront à appuyer vos affirmations. Il est nécessaire qu’elles soient reconnues véridiques par votre famille, afin que vous puissiez revenir vers Lottie sans regrets. Ah ! cette famille cruelle pour vous, devient pour moi une famille amie. Ils vous repoussent, ô les insensés ! leur aveuglement fait ma joie, parce que j’espère qu’enfin, sans hésitation, en présence de leurs dédains injurieux, vous voudrez bien me suivre.

— Harris ! Harris, répond Liette toute frémissante, laissez-moi d’abord vous remercier d’être accouru vers moi et vous bénir de votre intervention en ce moment même où elle m’est si prácieuse. Oui, ce sera avec joie que je vous suivrai, lorsque j’aurai réglé ici tout mon passé. Les déceptions et les angoisses de ces quinze derniers jours ont mûri le sentiment délicieux qui sommeillait pour vous au fond de mon âme. Mon cœur s’incline enfin devant vos désirs et les preuves incontestables de votre amour.

« Vous paraissez étonné, Harris, de l’opiniâtreté que j’ai mise à revenir vers ce foyer d’où la fatalité m’avait exclue. Si vous voulez savoir pourquoi j’ai tant tenu à le revoir, je vais vous l’expliquer :