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VI

LEÇONS ET PROMENADES



Caque année, lorsque l’hiver approchait, vers le mois d’octobre, le marchand de bois envoyait, de Marans, à M. Baude une grande charretée de cosses d’ormeaux, gros troncs de l’arbre qu’on débitait pour en faire de belles haches.

Cet ouvrage très pénible, très dur, nécessitait une main-d’œuvre expérimentée. Car scier du bois n’est rien, mais le fendre avec d’énormes coins de fer à la force du bras, armé d’une grosse mailloche bien emmanchée, est une besogne des plus fatigantes.

Ce travail était exécuté par un brave ouvrier, un petit nègre, nommé Mulot, père d’une nichée de sept ou huit enfants, gros comme des rats, qu’il amenait pour l’aider. Lorsque les cosses étaient sur le pavé, Cyrille, le jeune commis, courait en toute hâte chercher Mulot. Mulot arrivait, et pour quelques francs et une bouteille de vin, le bois était fendu, scié et rangé dans la cave ; le tout prenait quelquefois deux jours. Ces maudits troncs d’arbres sont si longs et si durs à ouvrir !

Tant que durait l’opération, Liette, le nez collé aux vitres, ne perdait pas le moindre détail, s’émerveillant de la patience et de l’endurance dont ce brave travailleur, jamais las, semblait-il, faisait preuve du matin au soir.

Les morceaux de bois étaient portés par les mioches sous la