Page:Savary - La Tour de la lanterne (= Les Malheurs de Liette) 2e édition - 1913.pdf/39

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
40
LA TOUR DE LA LANTERNE.

bêtises avec parrain ! » et déjà perfide dans ses résolutions, elle déclara à M. Leypeumal aimer bien mieux remonter sur les remparts pour avoir plus d’ombrage.

L’automne n’avait point encore balayé la verdure. Le parrain constata que Liette avait raison, ils revinrent sur leurs pas.

« Cette promenade serait charmante de ce côté des remparts, ajouta-t-il, mais il y manque, en effet, des arbres. Un jour viendra, espérons-le,’où j’aurai, avant de mourir, la joie de faire niveler ce terrain, combler ces infects et inutiles fossés, et donner à ces remparts un attrait que les odeurs fétides leur enlèvent.

— Hein ! que dirait ma petite chérie d’une charmante promenade sablée, remplie d’arbres et de bosqueta !

— Ce serait bien joli, parrain, si surtout la route était assez large pour permettre aux petites filles d’apporter leur cerceau. »

Ils remontèrent le talus et s’enfoncèrent sous les ormeaux un peu jaunis, qui donnaient une bienfaisante fraîcheur par ce jour très orageux d’automne…

De loin en loin, des hommes d’un aspect misérable, étendus dans l’herbe brûlée, dormaient ou faisaient semblant, pensait Liette, en les regardant de côté. Ces gens paisibles, mais à coup sûr peu fortunés, représentaient, dans son esprit, des brigands, qui n’attendaient que le moment propice pour faire un mauvais coup, dont elle, Liette, devait être la victime.

Aussi, peureuse, se rapprochait-elle de son parrain, se serrant contre lui, lorsqu’elle apercevait la silhouette d’un dormeur.

Ila arrivèrent à la porte des Deux-Moulins, traversèrent le pont-levis et descendirent vers la mer, en prenant la direction de la « Concurrence », plage sablée que la municipalité et le Génie maritime avaient concédée au public masculin pour y prendre des bains.

À cette époque de l’année, la température ne les permettait plus ; aussi, pouvait-on voir, sans difficulté, les voiliers et les petites embarcations entrer dans le port ou en sortir pour filer en pleine mer.

Liette, en arrivant sur la côte, aperçut à vingt pas d’elle et