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LA TOUR DE LA LANTERNE.


des marins terre-neuviers ou norwégiens, ou le pas monotone du veilleur de nuit, criant l’heure de sa voix sépulcrale, qui la réveillait subitement. Alors elle appelait son grand-père, et ne reprenait son sommeil que lorsque sa bonne voix lui disait :

« Allons, ma Liette ! dors, ma chérie ; nous sommes ici tous les deux, grand’mère et moi ! »

Liette était donc peureuse ! Cette peur lui était venue des absurdes histoires de revenants, de lutins, que lui racontait Botte pour la faire tenir tranquille quelques instants sur sa chaise.

Mme Baude, qui s’était aperçue de l’impressionnabilité de la petite fille, avait défendu l’usage de ce calmant, mais trop tard ; car Liette en savait beaucoup de ces contes fantastiques, amusants et terribles, qui l’intéressaient énormément, mais qui montaient par trop sa naissante imagination.

Ces histoires invraisemblables lui tenaient compagnie dans les ténėbres, occupant ses veillées silencieuses dans son lit.

Ce soir-là, elle était en plein dans le pays du merveilleux avec les belles fées des contes de Botte, tout en suivant des yeux les évolutions de la lueur de la lampe d’en bas, allant de son lit au plafond. Ce large papillon d’or qui éclairait, par instant, les recoins de sa chambrette, passant sur les cadres des tableaux suspendus à la tapisserie, tout près d’elle, lui donnait l’impression d’une gentille messagère venue pour lui insinuer d’être sage, soumise et douce.

Elle lui souriait, lorsqu’un cri éperdu, parti du rez-de-chaussée, la souleva vibrante sur son séant.

Ce cri, qui donc avait bien pu le jeter ainsi, strident et douloureux, dans le silence de la nuit ?

Liette se leva, monta sur une chaise, et écartant le rideau pour voir à travers les vitres ce qui se passait en bas, aperçut une femme étendue à terre, entourée de la famille qui essayait de la ranimer.

Elle crut voir sa grand’mère, sa « maman » comme elle l’appelait, câline. Et un chagrin immense, épouvantable, étreignit le cœur de cette enfant.

Redescendant de la chaise, tout en larmes, elle n’eut pas la force