VIII
DÉPART POUR LES GERBIES
iette s’était brisé une jambe dans cette mémorable soirée où la pauvre grand’maman Delfossy avait eu sa première attaque
de paralysie. Elle ne s’en remit pas, la vieille dame ; elle traîna
péniblement depuis ce jour sa jambe, ses idées et son langage. Ses
habitudes d’ordre, de propreté, de décision, qui étaient le fond
même de son caractère, sombrèrent aussi avec sa personnalité ce
soir-là.
Grâce à sa belle constitution, la fillette, au contraire, fut promptement rétablie. Il ne lui resta qu’une légère claudication qui disparut peu à peu par la suite. Et comme il lui fallait beaucoup d’air sans fatigue, on décida de l’envoyer passer quelques mois dans la propriété du père de M. Baude.
Cette propriété, située à quelques lieues de la ville de Rochefort, était à peu près tout ce qui restait à ce bon et noble vieillard de ses longues luttes avec la vie. Il n’avait craint ni les peines, ni les soucis, pour en être arrivé à élever les huit enfants dont il avait fait de très honnétes gens.
Il est vrai qu’il n’avait pas été entravé dans cette belle tâche par la cherté des vivres, puiaque, dans la jeunesse de M. Baude, la douzaine d’œufs valait 8 sols et que le livre de beurre se payait 10 sols. La viande n’était pas plus chère. C’était aussi le temps où