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LA TOUR DE LA LANTERNE.

l’avait promenée duns son jardin fleuri, l’avait comblée de gâteries, d’amitiés et, aussi de questions… puis, comme à une grande fille, lui avait fait les honneurs de sa serre.

Dans cette serre, lieu préféré entre tous de mademoiselle Mazure et où elle vivait les trois quarts du temps, se trouvaient réunis tous les objets nécessaires à la vie : lit de repos, bureau pour écrire, table à ouvrage, ustensiles de cuisine, de jardinage, de toilette, bibliothèque, cage et perchoir de perroquet. Rien n’y avait été oublié, rien absolument, puisque à la porte d’entrée se trouvait même, posée comme au cimetière, une pierre tombale avec épitaphe et qui n’attendait que d’être soulevée.

De chaque côté et à la tête de ce mausolée inoccupé, trois ifs, encore nains, promettaient leur ombrage dans une époque éloignée. Leur taille actuelle laissait supposer que Mlle Mœzure ne les avait plantés là qu’avec la pensée qu’ils auraient tout le temps de croître, avant le jour où ils seraient appelés à fournir à sa dernière demeure la bienfaisante fraicheur sur laquelle elle comptait.

Une fois celle visite faite, la vieille cousine pour occuper la journée, offrit une promenade en ville que Liette se hâta d’accepter.

Les apprêts de cette promenade n’en finissaient pas ; et pourtant Liette, anxieuse, attendait impatiemment le moment de sortir, afin de faire à Mlle Élodie une proposition un peu difficile à communiquer, mais qu’elle seule pouvait comprendre. Tante Maure était la prudence même, et tonton Rigobert un voyageur très affairé. Elle n’avait donc osé manifester ni à l’un, ni à l’autre un certain désir, très légitime, pensäit-elle, pour-ceux qui viennent à Marennes, mais qui, émanant d’elle, devait soulever une foule d’objections.

Aussi, ne fut-ce que lorsqu’elle eut franchi avec Mlle Mazure la porte du jardin, lorsqu’elle se vit enfin seule avec elle, loin des oreilles indiscrètes du jardinier ou de celles de la bonne, dans la grand’rue et sur le chemin même de l’église, qu’elle se décida à demander presque bas à sa cousine, si elle ne pourrait pas monter avec elle dans le clocher.